jeudi 9 mai 2013

Des coopératives, il en faut plus ?


Après la lecture des textes issus de la dernière AG du Crédit Coopératif à Toulouse sur le thème « des coopératives, il en faut plus », je ne peux m’empêcher de réagir avec un petit billet d’humeur agacée.
Rien qu’avec le titre du thème, cela me confirme qu’il n’y a rien de nouveau dans le brouillard coopératif.
2012 était l’année des coopératives, ce qui a été l’occasion de les mettre sur le devant de la scène, d’autant plus que le gouvernement français actuel semble séduit par ce statut, tout comme le mouvement des entrepreneurs sociaux.
Alors pour valoriser la « marque » coopérative, comme d’ailleurs pour la marque « économie sociale et solidaire », on sort les chiffres, toujours impressionnants, qui nous montrent le poids de ces organisations dans la société encore plus en terme de sociétaires que de salariés.
Ils affirment alors qu’il en faut encore plus, mais pourquoi faire ? Serait-ce la nouvelle voie du salut socio-économique ? La voie du milieu entre communisme et capitalisme ? Je veux bien y croire … mais les presque deux siècles d’histoire des coopératives me font « un peu » douter, surtout s’il n’y a pas de prise de recul sur les forces et faiblesses de ce mouvement, dans une perspective d’amélioration de la société, et pas seulement de prise de parts de marchés.
 Et justement, l’analyse critique des pratiques est la grande absente de ces actions de communication. Comme beaucoup de grandes entreprises capitalistes ou d’institutions publiques, la tendance est à l’auto-satisfaction et à la propagande plutôt qu’à la communication responsable et à l’amélioration continue.
Mon espoir de l’émergence d’un monde vraiment nouveau ne peut alors pas s’appuyer sur des acteurs et des mouvements aussi corporatistes. Tiens justement une des grandes dérives des coopératives au siècle dernier. Mais il y en a sûrement d’autres, sinon l’agriculture française ne serait pas autant consommatrice de pesticides et la NEF ne serait pas la seule coopérative financière à être totalement transparente sur l’usage de ses fonds … Des coopératives, il en faut pas forcément plus ! Il en faut surtout des meilleures.

jeudi 7 mars 2013

Vers l'idéal d'association

Constatant qu'il y a une très grande diversité d'associations, à l'image de la société et des membres qui la compose, j'ai eu envie de définir sur quels principes devrait fonctionner une association pour être, vraiment, une école permanente de l'être et de l'agir ensemble pour améliorer la vie en société.


« La finalité d'utilité sociétale »
.les produits et les services et la façon de les fournir doivent contribuer au développement qualitatif des personnes, des communautés et des éco-systèmes

« La communauté choisie »
.l’entrée ou l’exclusion des membres est définie par les membres

« La démocratie »
.tous les membres doivent pouvoir participer à la définition du projet commun

« La transparence »
.l’information doit être transparente et accessible

« L’amélioration continue »
.le projet doit être régulièrement évalué et revisité

« Une place pour tous »
.chacun doit pouvoir trouver une activité permettant de développer et valoriser ses talents

« L'art du don »
.les membres doivent savoir donner sans attendre de retour proportionné
.l'association doit savoir reconnaître l'engagement et les dons de ses membres

« L’éthique relationnelle »
.les relations doivent être basées sur la confiance et la bienveillance

« L’éducation permanente »
.les membres doivent bénéficier de formations pour améliorer leur éthique et leurs capacités de coopération

lundi 14 janvier 2013

Pourquoi l’économie sociale et solidaire n’a pas réalisé son utopie ?


Je viens de terminer un livre très synthétique de Jean-Louis Laville, « Agir à gauche, l’Economie Sociale et Solidaire », ce qui n’est pas si fréquent. Je veux parler de synthèse car Jean-Louis nous a plutôt habitué à des ouvrages très denses et complets, même si son écriture les rend très accessibles, comme son dernier, "La politique de l’association", une vraie bible pour l’acteur associatif qui veut prendre « un peu » de recul.
Son effort pour retracer l’histoire des associations sur plusieurs continents révèle l’importance de ce type d’organisation, dont les potentiels sont à la hauteur des défis. Les associations pourraient en effet être l’avant-garde et l’organisation de base de la démocratie moderne, car elles permettent de vivre concrètement les valeurs de fraternité, d’égalité et de liberté. Elles sont ainsi des formes de « Collectivités » choisies.
Après 200 ans d’existence, dont plus de 100 avec la forme cadrée par la loi 1901, les associations ont déjà eu un rôle très important dans la construction de l’équilibre des démocraties actuelles. Bien plus important qu’il ne semble, car agissant dans l’ombre des deux grands piliers du siècle dernier, l’Etat et les entreprises. Mais cette séparation des motivations, l’Etat s’occupant de l’intérêt général, et les entreprises des emplois et des « richesses », est à l’origine de nombreuses tensions et malentendus, et surtout d’une déresponsabilisation des citoyens et des entreprises dans la recherche du bien commun. Ce « modèle » a contribué à l’émergence d’une société économiquement très riche, et moralement très pauvre. Jean-Louis Laville décrit très bien ce phénomène de polarisation de la société, les associations et les mutuelles devenant des « sous-traitants » de l’Etat, et les coopératives des entreprises presque comme les autres.
Au contraire, l’associationisme prônait dès son origine la non-séparation des dimensions politiques et économiques dans des organisations démocratiques de proximité. La séparation à la fin du 19ème siècle du modèle associationiste, en trois statuts, association, coopérative et mutuelle est une des explications de cet « isomorphisme institutionnel » ou autrement dit de cette tendance à s’organiser de manière similaire aux acteurs de notre environnement, l’Etat pour les associations, et les entreprises pour les coopératives.
Le politique, recherche du bien commun, et l’économique, organisation des échanges, ne peuvent être durablement séparés sans menacer l’équilibre financier et psychique d’une démocratie. Elle doit bien au contraire encourager chaque citoyen à agir pour l’intérêt de tous que ce soit dans ses choix de consommation, de production, et bien entendu dans sa façon d’être en relation. En permettant de concilier un objet d’intérêt général et des activités économiques, le statut associatif est aujourd’hui un cadre possible pour refaire vivre l’idéal associationiste. Le principal défi est alors de développer des compétences pour « savoir-être » efficients et créatifs ensemble. C’est mon sujet de recherche et d’action depuis 2 ans.

mardi 13 novembre 2012

Le vrai changement ... c’est à chacun de le faire



Pour expliquer une crise profonde ou des difficultés passagères, j’entends souvent dire que c’est la faute au capitalisme, à l’Etat, aux entreprises, aux étrangers ou aux chinois … mais beaucoup plus rarement, c’est un peu ma faute aussi. Comme si nous étions des victimes d’un système soit trop libéral ou trop étatique, trop ouvert ou pas assez, et que nous ne serions pas tous un peu responsable de cette situation.
Car en effet, ce sont bien des individus qui définissent et adaptent les règles des systèmes, d’autres qui les font appliquer, et encore plus qui les utilisent. Certes une bonne partie de la population n’est pas en prise directe avec direction du système. Mais dans un régime démocratique, elle peut influencer la production législative par la participation à la vie publique, que ce soit directement, par le vote ou le plaidoyer, et influencer la production économique par ses choix de travail, de consommation et de financement.
Nos marges de manœuvre sont souvent plus importantes qu’on le croit, ou qu’on veut le croire, car cela nous obligerait à les utiliser, et donc à changer nos habitudes et certaines certitudes comme celles que le malheur ou le bonheur vient de surtout de l’extérieur.
Une grande partie du pouvoir des Etats et des organisations est celui qu’on leur donne, que l’on en soit les supporters ou les opposants.
Pourtant Ghandi nous a prévenu : « Sois le changement que tu veux voir dans le monde », et Einstein aussi à sa manière « on ne peut résoudre les problèmes d’un système sans changer la façon de penser qui l’a généré ». En effet depuis plusieurs siècles, on croit que l’Etat, les entreprises ou les deux vont nous sauver ou nous garantir le bonheur … alors que la capacité de créer, d’aimer et surtout de changer est en chacun de nous. Il ne nous reste plus qu’à cultiver notre jardin comme disait …

dimanche 4 novembre 2012

Qui veut aller au Conseil d’Administration ? …


Dans l’esprit de la loi 1901, le Conseil d’Administration est l’organe central de direction, au sens où l’Assemblée Générale lui délègue pour un an la bonne mise en œuvre, voire l’adaptation du projet associatif. Il peut lui-même s’appuyer sur un Bureau pour le suivi de l’activité opérationnelle qui est réalisée par des salariés et/ou des bénévoles.
Son rôle est donc essentiel au bon fonctionnement de l’association que ce soit pour l’efficience des activités ou pour la qualité démocratique.
Pourtant, dans beaucoup d’associations, il est composé par défaut avec le peu de membres, souvent les mêmes, qui veulent bien s’investir bénévolement pour des tâches non-opérationnelles. C’est encore plus le cas lorsqu’il s’agit d’associations avec des emplois dont la gouvernance nécessite des compétences de dirigeant d’entreprise.
Une des voies souvent empruntées pour sortir de ce défi est alors le recrutement de dirigeants salariés que ce soit pour des fonctions de coordination, de gestion, ou de communication. Le Conseil d’Administration composé de dirigeants bénévoles risque alors de devenir un simple organe d’enregistrement des propositions des dirigeants salariés, faute de temps et parfois de compétences pour vraiment exercer la fonction de codirection.
Dans ce cas, l’esprit de la loi 1901 à but non lucratif n’est pas respecté puisque ce sont des personnes salariés qui dans les faits dirigent l’association. D’autre part le pouvoir est concentré aux mains de quelques personnes, souvent une seule, ce qui va à l’encontre d’un des principes d’une « bonne gouvernance associative » qui est d’impliquer les principales parties prenantes, dans la préparation aux décisions, voire dans la codécision.
Une des voies pour équilibrer le pouvoir des bénévoles et des salariés est de laisser les fonctions de essentielles de direction (représentation externe, animation interne, finance / gestion) être assumées par les membres du Conseil d’Administration et/ou du Bureau, quitte à envisager une rémunération pour les tâches demandant le plus d’engagement et de compétences, comme l’instruction fiscale 4H-5-06 du 18 décembre 2006 le permet.
Cette possibilité de rémunérer les dirigeants élus est aussi une opportunité pour encourager la candidature de personnes compétentes, et ainsi constituer un Conseil d’Administration à la hauteur des enjeux et défis actuels du monde associatif. 

mercredi 17 octobre 2012

Comment rendre les associations plus agiles ?




Les associations avec salariés sont souvent confrontées à des tensions financières qui peuvent aller de difficultés de trésorerie à la liquidation judiciaire. Pour s’en sortir, c’est souvent la course aux financements publics ou privés, ou l’appel à l’aide des usagers et partenaires. Dans ces circonstances, l’ambiance est souvent tendue, le niveau de stress assez élevé, et le projet associatif un peu mis à l’écart au profit de la gestion à court terme.
Cette situation récurrente s’explique assez facilement. En effet, comme les associations disposent rarement d’une trésorerie importante (pas de capital et peu de bénéfice), et que l’essentiel de leurs charges, les salaires, est difficilement compressible, elles sont rapidement en difficulté aux moindres variations du niveau d’activité.
Pour éviter ce cercle vicieux vers la perte du sens, le stress collectif et les difficultés financières, il suffirait qu’elles puissent faire varier au moins une partie de leur masse salariale en fonction de l’activité.
Le droit du travail rendant assez difficile les variations régulières de salaires en fonction de l’activité, les associations auraient intérêt à recourir plus souvent à des intervenants externes, sous forme de prestations de service ou de mise à disposition, en complément d’éventuels salariés.
Ces intervenants peuvent se regrouper au sein de coopératives ou d’associations d’entrepreneurs-salariés à l’image des Coopératives d’Activités et d’Emplois (1) pour éviter l’isolement et au contraire favoriser l’entraide et la créativité.
D’autre part, ces personnes intervenant dans un cadre contractuel, il n’y plus subordination juridique, ce qui, contrairement au salariat, est compatible avec l’article 1 de la charte de l’économie sociale.
« Les entreprises de l’économie sociale fonctionnent de manière démocratique, elles sont constituées de sociétaires solidaires et égaux en devoirs et en droits ».

Le salariat dans les associations est-il compatible avec les principes de l’économie sociale ?



Le périmètre de l’économie sociale est assez précis car il est défini à la fois par des statuts (les associations, les coopératives, les mutuelles et les fondations), et une charte, dont le premier article est le suivant : « Les entreprises de l’économie sociale fonctionnent de manière démocratique, elles sont constituées de sociétaires solidaires et égaux en devoirs et en droits ».
Dans les associations, qui représentent 77% de l’emploi de l’économie sociale en 2010, les salariés ne sont pas forcément adhérents, et encore moins souvent administrateurs. La plupart des associations ne respecteraient donc pas le premier article de la charte.
Cette situation paradoxale est accentuée par le droit du travail qui se fonde sur la distinction entre le salarié et l’employeur, et établit entre eux un rapport de subordination. En supposant que les salariés soient adhérents et même administrateurs, ils ne sont pas « égaux en devoirs et en droits » avec les autres sociétaires.
D’autre part, la fiscalité des associations encourage la mise à l’écart des salariés des fonctions d’administration. Ainsi la présence des salariés au Conseil d’Administration avec pouvoir de décision n’est  tolérée qu’à hauteur d’un quart des administrateurs pour que le principe de non-lucrativité ne soit pas remis en cause (1). De toutes façons, les associations utilisent rarement cette possibilité par une culture de séparation du pouvoir et de l’argent.
Les salariés, partie prenante essentielle de l’association, sont donc généralement absents des instances de décision (AG et CA), et au mieux « représentés » par un(e) directeur(trice). Beaucoup ne sont ni adhérents, ni co-décisionnaire, et encore moins solidaires et égaux en droit, puisqu’ils bénéficient d’un statut bien particulier que les subordonne à un employeur.
Première conclusion, la plupart des associations ne peuvent pas se prétendre comme faisant partie de l’économie sociale, et inversement l’économie sociale ne peut pas représenter autant d’emplois qu’elle le prétend.
Deuxième conclusion, le droit du travail donne aux salariés un statut trop différent de ceux des autres membres pour que l’organisation respecte une condition indispensable à la pratique de la démocratie, l’égalité en droits et en devoirs des membres.
Tout au long du 19ème siècle, l’économie sociale est d’ailleurs souvent pensée comme des associations de personnes « libres » et « égales », producteurs ou consommateurs. Le salariat est alors considéré comme une forme de « servitude volontaire », et donc contraire à l’idéal de l’associationisme ouvrier qui était d’incarner les valeurs de la Révolution Française dans l’économie : liberté, égalité, fraternité.

 (1)     Instruction fiscale  du 18 décembre 2006 4H-5-06