Le périmètre de l’économie
sociale est assez précis car il est défini à la fois par des statuts (les
associations, les coopératives, les mutuelles et les fondations), et une charte, dont le premier article est le
suivant : « Les entreprises de l’économie sociale fonctionnent de
manière démocratique, elles sont constituées de sociétaires solidaires et égaux
en devoirs et en droits ».
Dans les associations, qui
représentent 77% de l’emploi de l’économie sociale en 2010, les salariés ne
sont pas forcément adhérents, et encore moins souvent administrateurs. La
plupart des associations ne respecteraient donc pas le premier article de la
charte.
Cette situation paradoxale
est accentuée par le droit du travail qui se fonde sur la distinction entre le
salarié et l’employeur, et établit entre eux un rapport de subordination. En
supposant que les salariés soient adhérents et même administrateurs, ils ne
sont pas « égaux en devoirs et en droits » avec les autres
sociétaires.
D’autre part, la fiscalité
des associations encourage la mise à l’écart des salariés des fonctions
d’administration. Ainsi la présence des salariés au Conseil d’Administration
avec pouvoir de décision n’est tolérée qu’à
hauteur d’un quart des administrateurs pour que le principe de non-lucrativité
ne soit pas remis en cause (1). De toutes façons, les associations utilisent
rarement cette possibilité par une culture de séparation du pouvoir et de
l’argent.
Les salariés, partie prenante
essentielle de l’association, sont donc généralement absents des instances de
décision (AG et CA), et au mieux « représentés » par un(e)
directeur(trice). Beaucoup ne sont ni adhérents, ni co-décisionnaire, et encore
moins solidaires et égaux en droit, puisqu’ils bénéficient d’un statut bien
particulier que les subordonne à un employeur.
Première conclusion, la
plupart des associations ne peuvent pas se prétendre comme faisant partie de
l’économie sociale, et inversement l’économie sociale ne peut pas représenter
autant d’emplois qu’elle le prétend.
Deuxième conclusion, le droit
du travail donne aux salariés un statut trop différent de ceux des autres
membres pour que l’organisation respecte une condition indispensable à la
pratique de la démocratie, l’égalité en droits et en devoirs des membres.
Tout au long du 19ème
siècle, l’économie sociale est d’ailleurs souvent pensée comme des associations
de personnes « libres » et « égales », producteurs ou
consommateurs. Le salariat est alors considéré comme une forme de
« servitude volontaire », et donc contraire à l’idéal de
l’associationisme ouvrier qui était d’incarner les valeurs de la Révolution
Française dans l’économie : liberté, égalité, fraternité.
(1)
Instruction
fiscale du 18 décembre 2006 4H-5-06
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