lundi 14 janvier 2013

Pourquoi l’économie sociale et solidaire n’a pas réalisé son utopie ?


Je viens de terminer un livre très synthétique de Jean-Louis Laville, « Agir à gauche, l’Economie Sociale et Solidaire », ce qui n’est pas si fréquent. Je veux parler de synthèse car Jean-Louis nous a plutôt habitué à des ouvrages très denses et complets, même si son écriture les rend très accessibles, comme son dernier, "La politique de l’association", une vraie bible pour l’acteur associatif qui veut prendre « un peu » de recul.
Son effort pour retracer l’histoire des associations sur plusieurs continents révèle l’importance de ce type d’organisation, dont les potentiels sont à la hauteur des défis. Les associations pourraient en effet être l’avant-garde et l’organisation de base de la démocratie moderne, car elles permettent de vivre concrètement les valeurs de fraternité, d’égalité et de liberté. Elles sont ainsi des formes de « Collectivités » choisies.
Après 200 ans d’existence, dont plus de 100 avec la forme cadrée par la loi 1901, les associations ont déjà eu un rôle très important dans la construction de l’équilibre des démocraties actuelles. Bien plus important qu’il ne semble, car agissant dans l’ombre des deux grands piliers du siècle dernier, l’Etat et les entreprises. Mais cette séparation des motivations, l’Etat s’occupant de l’intérêt général, et les entreprises des emplois et des « richesses », est à l’origine de nombreuses tensions et malentendus, et surtout d’une déresponsabilisation des citoyens et des entreprises dans la recherche du bien commun. Ce « modèle » a contribué à l’émergence d’une société économiquement très riche, et moralement très pauvre. Jean-Louis Laville décrit très bien ce phénomène de polarisation de la société, les associations et les mutuelles devenant des « sous-traitants » de l’Etat, et les coopératives des entreprises presque comme les autres.
Au contraire, l’associationisme prônait dès son origine la non-séparation des dimensions politiques et économiques dans des organisations démocratiques de proximité. La séparation à la fin du 19ème siècle du modèle associationiste, en trois statuts, association, coopérative et mutuelle est une des explications de cet « isomorphisme institutionnel » ou autrement dit de cette tendance à s’organiser de manière similaire aux acteurs de notre environnement, l’Etat pour les associations, et les entreprises pour les coopératives.
Le politique, recherche du bien commun, et l’économique, organisation des échanges, ne peuvent être durablement séparés sans menacer l’équilibre financier et psychique d’une démocratie. Elle doit bien au contraire encourager chaque citoyen à agir pour l’intérêt de tous que ce soit dans ses choix de consommation, de production, et bien entendu dans sa façon d’être en relation. En permettant de concilier un objet d’intérêt général et des activités économiques, le statut associatif est aujourd’hui un cadre possible pour refaire vivre l’idéal associationiste. Le principal défi est alors de développer des compétences pour « savoir-être » efficients et créatifs ensemble. C’est mon sujet de recherche et d’action depuis 2 ans.

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