Je viens de terminer un livre très synthétique de Jean-Louis
Laville, « Agir à gauche, l’Economie Sociale et Solidaire », ce
qui n’est pas si fréquent. Je veux parler de synthèse car Jean-Louis nous a
plutôt habitué à des ouvrages très denses et complets, même si son écriture les
rend très accessibles, comme son dernier, "La politique de l’association", une
vraie bible pour l’acteur associatif qui veut prendre « un peu » de
recul.
Son effort pour retracer l’histoire des associations sur
plusieurs continents révèle l’importance de ce type d’organisation, dont les
potentiels sont à la hauteur des défis. Les associations pourraient en effet
être l’avant-garde et l’organisation de base de la démocratie moderne, car elles
permettent de vivre concrètement les valeurs de fraternité, d’égalité et de
liberté. Elles sont ainsi des formes de « Collectivités » choisies.
Après 200 ans d’existence, dont plus de 100 avec la forme
cadrée par la loi 1901, les associations ont déjà eu un rôle très important
dans la construction de l’équilibre des démocraties actuelles. Bien plus
important qu’il ne semble, car agissant dans l’ombre des deux grands piliers du
siècle dernier, l’Etat et les entreprises. Mais cette séparation des
motivations, l’Etat s’occupant de l’intérêt général, et les entreprises des
emplois et des « richesses », est à l’origine de nombreuses tensions
et malentendus, et surtout d’une déresponsabilisation des citoyens et des
entreprises dans la recherche du bien commun. Ce « modèle » a contribué
à l’émergence d’une société économiquement très riche, et moralement très
pauvre. Jean-Louis Laville décrit très bien ce phénomène de polarisation de la
société, les associations et les mutuelles devenant des « sous-traitants »
de l’Etat, et les coopératives des entreprises presque comme les autres.
Au contraire, l’associationisme prônait dès son origine la
non-séparation des dimensions politiques et économiques dans des organisations
démocratiques de proximité. La séparation à la fin du 19ème siècle du
modèle associationiste, en trois statuts, association, coopérative et mutuelle
est une des explications de cet « isomorphisme institutionnel » ou
autrement dit de cette tendance à s’organiser de manière similaire aux acteurs
de notre environnement, l’Etat pour les associations, et les entreprises pour
les coopératives.
Le politique, recherche du bien commun, et l’économique,
organisation des échanges, ne peuvent être durablement séparés sans menacer l’équilibre
financier et psychique d’une démocratie. Elle doit bien au contraire encourager
chaque citoyen à agir pour l’intérêt de tous que ce soit dans ses choix de
consommation, de production, et bien entendu dans sa façon d’être en relation. En
permettant de concilier un objet d’intérêt général et des activités
économiques, le statut associatif est aujourd’hui un cadre possible pour
refaire vivre l’idéal associationiste. Le principal défi est alors de
développer des compétences pour « savoir-être » efficients et
créatifs ensemble. C’est mon sujet de recherche et d’action depuis 2 ans.
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